Éditorial de Daniel Jouanneau
Président de la Chambre de commerce France-Canada
L’intérêt permanent des Français pour le Canada se manifeste par le nombre de nos compatriotes qui s’y installent chaque année, par l’attrait des universités canadiennes sur nos étudiants, par la reprise du tourisme depuis la fin de la pandémie.
Il se traduit dans nos échanges commerciaux. Depuis son entrée en vigueur en 2017, l’accord économique et commercial global Union européenne-Canada (Comprehensive Economic and Trade Agreement) a dopé les exportations françaises sur le marché canadien (+ 37% en cinq ans). 10 000 entreprises sont concernées, 400 de plus qu’en 2016, pour l’essentiel des PME. Et 3 100 entreprises canadiennes exportent sur le marché français, 300 de plus qu’en 2016. Le commerce des produits contribuant à la préservation de l’environnement a augmenté de 22% en cinq ans. Les chiffres des cinq premières années montrent aussi que l’agriculture française sort gagnante du CETA. Les craintes qui s’étaient exprimées lors de l’entrée en vigueur de l’accord, en particulier de la part des éleveurs bovins, se sont révélées infondées.
Le CETA, c’est beaucoup plus qu’une quasi-suppression des droits de douane. Aux entreprises françaises, il ouvre les marchés publics provinciaux et municipaux canadiens, et plus seulement les marchés fédéraux, comme le montre l’exemple du succès français pour l’Ontario Line de Toronto. Il facilite la mobilité professionnelle et a permis des reconnaissances mutuelles de qualifications pour les professions réglementées. Un premier accord vient d’être conclu pour la profession d’architecte. Dans la plupart des cas, les entreprises n’ont plus à demander une certification canadienne lorsqu’elles ont déjà la certification européenne. Le CETA protège un nombre plus important d’indications géographiques, avantage démontré par les bons chiffres pour l’agro-alimentaire français.
2022 a été une année de rebond pour le commerce entre nos deux pays (8,3 milliards d’euros). Il a dépassé le niveau d’avant la pandémie et il est redevenu excédentaire pour la France. Depuis 2016, année qui a précédé l’entrée en vigueur de l’accord, le commerce des biens a augmenté de 23% et celui des services de 46%. Les investissements ont augmenté dans les deux sens de façon substantielle. Nous étions le 10ème investisseur au Canada il y a cinq ans, nous sommes le 4ème. Les PME et les ETI représentent près de 80% des filiales canadiennes d’entreprises françaises, dont 57% sont implantées au Québec. Les flux d’investissements canadiens en France ont doublé depuis trois ans.
Les effets collatéraux de la guerre en Ukraine - fragmentation des marchés, bouleversement des chaînes de valeur – confèrent un intérêt supplémentaire au CETA : il offre aux entreprises un espace commercial sûr, stable, très ouvert, de près de 500 millions de consommateurs, régi par des règles claires et prévisibles. Le CETA facilite l’accès aux ressources canadiennes en gaz et en pétrole. 15 des 30 minéraux et métaux considérés comme critiques pour l’accompagnement de la transition énergétique et le développement des nouvelles technologies, et dont la Russie était l’un de nos principaux fournisseurs, sont présents au Canada. L’innovation dans le domaine de l’économie verte offre un champ de synergies considérable aux entreprises des deux pays. Elle est au cœur des priorités de la coopération inter-gouvernementale franco-canadienne. Elle se traduit dans les orientations fiscales du budget fédéral 2023-2024.
Mais le CETA reste insuffisamment connu. C’est pourquoi le comité exécutif de la CCFC a entrepris de l’expliquer, à la faveur de «matinées Canada» conçues en partenariat avec les CCI régionales. Douze ont pu être organisées à ce jour. Elles permettent aux PME de recevoir éclairages et conseils opérationnels sur les conditions de la réussite au Canada, chaque sujet étant exposé par un expert : options juridiques disponibles pour une implantation ; spécificités du système bancaire et comptable canadien ; politique canadienne en matière d’immigration ; stratégie de communication.
Dans nos présentations, nous indiquons aux entreprises que, si choisir le Québec a du sens pour une première implantation au Canada, réussir est possible aussi en commençant par le Canada anglophone. La CCFC a organisé en 2021 et 2022 plusieurs webinaires mettant en valeur les opportunités d’affaires, notamment, en Colombie britannique, en Ontario et dans les provinces atlantiques. Chaque fois, les filiales canadiennes d’entreprises françaises ont apporté leurs témoignages et leurs conseils.
En 2023, après Nantes et Rennes, la CCFC poursuivra cette démarche pédagogique à Reims et à Strasbourg. Nous invitons à chaque présentation les entreprises de la région ayant investi, ou exportant au Canada, à partager leur expérience. Le partenariat avec BusinessFrance s’est renforcé avec le lancement du « Club Canada » qui a réuni fin 2022 160 participants, entreprises canadiennes susceptibles de développer leurs investissements en France, représentants des agences économiques régionales, PME intéressées par le marché canadien. La coopération est très étroite avec l’Ambassadeur du Canada en France et son service économique et commercial, ainsi qu’avec notre Ambassadeur à Ottawa, les services économiques de l’ambassade et nos consuls généraux à Vancouver, Toronto, Montréal, Québec et Moncton.
A Paris, la Chambre organisera cette année deux évènements rassemblant entreprises françaises et canadiennes : une réception d’été au siège parisien de Technicolor ( 13 juin) et une soirée de gala avec remise de prix (30 novembre).
Nos membres, dont le nombre a repris sa dynamique, ont favorablement accueilli la nouvelle formule de partenariat, qui leur permet d’utiliser la Chambre comme tribune pour la promotion de leurs activités. 12 entreprises de premier plan ont déjà choisi ce type d’adhésion.
Le comité exécutif, récemment reconduit pour un mandat de trois ans, et la directrice, sont déterminés à bâtir avec les membres et les partenaires de la CCFC une véritable communauté d’affaires franco-canadienne.
Daniel Jouanneau