Redynamiser la relation France-Québec

Articles - Image d'intro

Nelson Michaud et Benoît Pelletier I LE DEVOIR I 17 février 2023

« Cette complicité entre le Québec et la France est des plus précieuses; elle doit aujourd’hui être redynamisée », notent les auteurs.

« Cette complicité entre le Québec et la France est des plus précieuses; elle doit aujourd’hui être redynamisée », notent les auteurs.
Photo: Jean-Nicolas Nault Getty Images « Cette complicité entre le Québec et la France est des plus précieuses; elle doit aujourd’hui être redynamisée », notent les auteurs.

Lors d’un récent événement organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal, la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Martine Biron, a présenté sa vision des relations internationales québécoises sous le thème « Avoir de l’ambition pour faire rayonner le Québec sur la scène internationale ». Ses priorités se déploient sous les axes de la diplomatie économique, de la diplomatie d’influence et de la diplomatie identitaire.

Ce retour à l’« ambition » plus affirmée de « faire rayonner le Québec sur la scène internationale » est de bon augure. Déjà, lors du sommet de la Francophonie tenu à Djerba en Tunisie en novembre dernier, la ministre avait relancé l’idée d’une année (2023) consacrée aux relations franco-québécoises sous le thème de l’innovation — essentiellement économique — et de la reprise des visites alternées des premiers ministres français et québécois, interrompues depuis 2018. Nous devons saluer ces initiatives et engagements.

Car, si le Québec doit rayonner de par le monde, ce n’est pas être nostalgique que de placer la relation franco-québécoise au premier rang. Ce navire amiral de la diplomatie québécoise peut facilement se gouverner en fonction des trois axes privilégiés par la ministre. Il peut aussi servir de pont ou de tremplin pour des partenariats qui mènent vers d’autres horizons. Enfin, il s’agit d’une relation véritablement bilatérale : certaines des plus belles percées du Québec sur la scène mondiale ont été réalisées avec le concours de la France et, en retour, cette dernière peut compter sur le Québec pour assurer l’essor de la francité.

Cette complicité entre le Québec et la France est des plus précieuses ; elle doit aujourd’hui être redynamisée.

Bâtir sur des succès probants

Déjà, l’Accord-cadre franco-québécois sur la reconnaissance des diplômes et la validation des études de 1996 ou encore l’Entente France-Québec sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles de 2008 ont consolidé la relation entre ces deux partenaires. La collaboration a mené à l’adoption de la Convention sur la protection, et la promotion de la diversité des expressions culturelles par l’UNESCO s’est inscrite dans l’Histoire.

Il est plus que temps que d’autres gestes dans le même sens surviennent, car au fil des ans, la relation France-Québec a semblé s’essouffler. Il faut lui donner une nouvelle vigueur, et ce, bien au-delà des questions de nature strictement économique.

Bien que le gouvernement Legault ait imposé un important virage économique aux relations internationales du Québec au cours de son premier mandat, l’affirmation d’un éventail plus complet d’actions internationales par la ministre Biron laisse entrevoir des engagements complémentaires à l’économie, voire en soutien vital et nécessaire à celle-ci. Les défis d’intérêt commun sont en effet nombreux, et les voies de collaboration sont dynamiques et mutuellement fructueuses, surtout si elles embrassent des enjeux modernes.

Quatre défis contemporains

Bien entendu, la collaboration entre la France et le Québec dans le dossier de la francophonie et dans celui de la promotion de la diversité culturelle à l’ère du numérique doit demeurer névralgique. Ainsi en est-il pour l’intelligence artificielle, un domaine où le Québec possède une expertise de calibre international. Toutefois, les développements en cette matière ne doivent pas reposer — pour des raisons économiques — que sur la logique qu’induit la langue de Shakespeare.

Le niveau de nuance que permet le français ne peut que contribuer à un enrichissement du domaine. Ici, la coopération France-Québec pourrait bénéficier de la mise en place de groupes de recherche conjoints ou de la création d’un Institut mondial francophone en intelligence artificielle.

La protection du pouvoir d’achat et la lutte aux inégalités sociales sont un autre secteur où les actions de la France et celles du Québec reposent sur des valeurs communes. La nécessaire réflexion autour de solutions aux problèmes mondiaux posés par une démographie mouvante au gré des migrations ou du vieillissement des populations gagnerait sans doute à être nourrie par une expertise franco-québécoise. Ainsi, la France et le Québec pourraient se mobiliser au sein de l’UNESCO, notamment par l’entremise de l’Institut de la statistique basé à Montréal, pour développer des données probantes permettant de mieux accomplir cette exigeante analyse.

Les changements climatiques et la biodiversité, la décarbonation de l’économie et la transition énergétique nous interpellent. Le Québec, avec la Californie, est un chef de file en Amérique du Nord, mais beaucoup reste à faire ; en France, l’Accord de Paris et la Stratégie nationale bas-carbone, adoptée pour la première fois en 2015 et révisée en 2018-2019, maintiennent des objectifs ambitieux. Une relation France-Québec renouvelée permettrait à l’un et à l’autre de bénéficier de plus de ressources et, surtout, de partager leur lecture respective de leurs engagements, afin d’en faciliter le respect.

Enfin, l’autosuffisance et la sécurité alimentaires sont des domaines où le Québec et la France — territoires agricoles de première importance — peuvent partager leurs savoir-faire, tout en orientant leurs priorités dans le cadre plus large des pays de la Francophonie. Plusieurs connaissent toujours des difficultés à produire suffisamment de denrées pour subvenir aux besoins de leur population et assurer une base de commerce solide pour ce qui est de certains produits précis. Le Québec et la France pourraient ainsi être les fers de lance d’un nouvel opérateur relevant de l’Organisation internationale de la Francophonie et dédié à l’alimentation et à la résorption des famines.

Les relations entre la France et le Québec ont connu leur âge d’or. À la lumière des nombreux secteurs où un partage renouvelé et enrichi peut être bénéfique aux deux partenaires, nous appelons de nos voeux la manifestation d’une volonté politique ferme qui favorisera l’émergence d’échanges tournés vers la très large diversité des défis nouveaux et redéfinis.

Lire l'article

Retour à la liste des articles