La France souhaite renforcer ses liens avec le Manitoba

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L'ambassadeur de France au Canada a évoqué la possibilité de créer un lycée français dans la province.

La France souhaite renforcer ses liens avec le Manitoba

L'ambassadeur de France Michel Miraillet, de passage à Winnipeg le 22 mars 2023.

L'ambassadeur de France Michel Miraillet, de passage à Winnipeg le 22 mars 2023

L’ambassadeur de France au Canada, Michel Miraillet, était de passage à Winnipeg cette semaine pour la première fois depuis sa prise de fonction l’automne dernier. En entrevue avec Radio-Canada, il a évoqué un rapprochement économique entre la France et le Manitoba.

C'est votre première visite au Manitoba; qu'est-ce que vous avez découvert ici?

J'ai découvert une ville qui parle beaucoup aux Français de par le nom, parce que le nom du Manitoba aussi parle; c'est un peu le Canada que l'on ne connaît pas. C'est le Canada des plaines, du centre, et c'est pourtant une ville avec un passé riche, un passé historique.

Et puis, en même temps, j'ai découvert une ville tournée vers la modernité également, une ville au centre d'un Canada qui a la vocation de se moderniser et de devenir un moteur économique.

Pour ce qui est de la francophonie, qu'est-ce qui vous a marqué?

J'ai pris la décision de venir parce que c'était la Semaine de la francophonie. Il était très facile, très simple pour moi de rester à Ottawa, de participer aux célébrations organisées par les autorités fédérales.

Je préférais venir dans un endroit où on a des communautés francophones qu'on ne connaît pas forcément. Pour les Français, le Canada, la francophonie, c'est naturellement le Québec. Mais on connaît moins le Nouveau-Brunswick, on connaît moins ce qui se passe au Manitoba, on connaît moins les communautés françaises de l'Ontario, et, chaque fois, c'est quelque chose de différent.

Ici, il y a une multiplicité de cas. Il y a des Français manitobains, une communauté métisse, et j'allais dire aussi des francophones qui ne sont pas des Français venus s'y établir, donc tout cela fait un ensemble assez compliqué.

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Dans les précédentes entrevues que vous avez faites, vous avez dit que le président Macron vous a dit : Go West. Qu'est-ce que ça signifie concrètement?

Ça signifie que, pour nous, le Canada est un véritable continent. Pour beaucoup de mes compatriotes, le Canada, c'est d'abord la première étape, c'est l'arrêt à Montréal ou à Québec. Et c'est vrai qu'il y a une réalité de la relation franco-québécoise qui est très forte, qu'il ne s'agit pas du tout de remettre en cause.

Mais celle-ci ne doit pas agir comme un bouchon, et elle cache en fait d'autres réalités. Elle cache par exemple le fait que l'Ontario, c'est 40 % du PIB de ce pays, et que derrière, il y a les plaines et, on le voit avec les crises alimentaires, les problèmes de minéraux critiques. On voit cette partie du Canada revêtir une importance croissante et l'on voit aussi sur l'Alberta, sur la Colombie-Britannique, une espèce d'énergie.

Et ce qui rassemble un peu toutes ces provinces, c'est aussi un tissu universitaire de laboratoires de recherche à la pointe. Ce que je ressens, c'est une modernité, une volonté d'aller de l'avant et c'est ça que je veux mener.

« La mission que m'a donnée le président, c'est effectivement de faire en sorte que nous soyons un peu moins paresseux, nous, Français, et que nous fassions l'effort et que nous puissions investir dans cette gigantesque moitié que représentent les plaines, et l'Ontario, et, naturellement, l'Alberta. »

— Une citation de  Michel Miraillet, ambassadeur de France au Canada

Dans toute cette idée de renforcer des liens avec l'Ouest, qu'est-ce que la France peut faire pour soutenir la francophonie, notamment au Manitoba?

Le soutien à la francophonie, c'est d'abord, je pense, avoir une conception de la francophonie qui est une francophonie offensive, sans chercher à améliorer le niveau de français, de professeurs ou de l'enseignement local. Le Canada est un grand pays qui sait ce qu'il a à faire.

Mais, en même temps, c'est aussi faire en sorte que le bilinguisme soit véritablement quelque chose d'ancré et qu'il n'y ait pas de question de qualité d'enseignement, et c'est ça qui m'intéresse. Que ce bilinguisme, on puisse aussi le traduire plus loin dans le milieu universitaire, dans le milieu de la recherche, où les laboratoires français et canadiens sont souvent de taille et de niveaux comparables et où nous pouvons créer de nouvelles alliances.

Nous allons avoir prochainement la visite de la première ministre [française] à Ottawa, puis à Québec. Ce sera l'occasion de lancer la première commission mixte sur la recherche [et de voir] quels accords [nous pouvons avoir] sur le quantique, sur l'intelligence artificielle, sur la recherche sur l'hydrogène, sur la décarbonisation des transports...

Il y a un nombre de domaines absolument stupéfiants, et il y en a même un qui m'intéresse beaucoup parce qu'ici, à l'Université du Manitoba, il y a un vrai savoir-faire dans tout ce qui concerne la recherche sur le polaire.

Donc, développer la francophonie, c'est le faire utilement, c'est-à-dire le faire effectivement, en offrant peut-être, le moment venu, la possibilité d'un lycée français international au Manitoba qui accueillera naturellement les francophones, mais qui visent aussi à cibler ces populations anglophones qui sont à la recherche d'autre chose.

Parce qu’apprendre le français, c'est pas uniquement apprendre de la grammaire ou de l'orthographe; c'est aussi faire un peu de philosophie, avoir une conception de l'être humain au centre de la société, du respect des droits de l'homme et, en même temps, avoir un intérêt pour l'histoire, les humanités.

Mais la francophonie, c'est aussi respecter la langue anglaise, mais faire en sorte que les Canadiens du Manitoba puissent passer du français à l'anglais, de l'anglais au français sans effort.

Tout cela s’appuie sur une coopération universitaire, une coopération de recherche.

L'ambassadeur de France Michel Miraillet, de passage à Winnipeg le 22 mars 2023.

L'ambassadeur de France Michel Miraillet, de passage à Winnipeg le 22 mars 2023

PHOTO : RADIO-CANADA / GAVIN BOUTROY

Vous avez rencontré plusieurs ministres pendant votre séjour au Manitoba, dont la première ministre, la ministre des Affaires francophones et le ministre du Développement économique, de l’Investissement et du Commerce. Quels sujets avez-vous abordés avec eux?

C'est très simple : le fait que la France entend être un partenaire du Manitoba. Nous entendons être là. Si vous voulez, c'est une première visite, donc quelque part, il y a un aspect courtoisie auquel j'attache beaucoup d'importance.

Mon souci, c'est de faire venir des membres du gouvernement dans ce pays, et je pense pouvoir le faire dans une échéance assez proche, et donc j'ai besoin de connaître mes interlocuteurs, j'ai besoin de les rencontrer.

Nous avons parlé naturellement de l'importance que nous attachons à cette relation décomplexée sur la question de la francophonie, mais, en même temps, de l'intérêt que nous avons en matière économique pour le développement de notre relation bilatérale dans le cadre [de l’Accord économique et commercial global], par exemple.

On manque d'enseignants francophones, on manque de professionnels de la santé qui peuvent servir les gens en français ici, et la reconnaissance des diplômes est un problème récurrent. Avez-vous eu des discussions sur ce sujet lors de vos rencontres, et où en sommes-nous sur ces sujets?

C’est un dossier que nous avons abordé un peu de côté, simplement en rappelant que certaines provinces comme l'Ontario ou le Québec, maintenant, reconnaissaient un master en enseignement du français comme diplôme et que ça permettait à ces étudiants de master français à la fin de pouvoir venir au Canada.

Il appartient au gouvernement du Manitoba de réfléchir à cette perspective.

Cette entrevue a été synthétisée à des fins de clarté. L’ensemble des sujets abordés est disponible dans la vidéo.

Lire l'article et la vidéo 

 

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